Les seniors qui ont marqué le siècle : Winston Churchill

Publié le par yakapa

« Je n’ai à vous offrir que du sang, de la sueur et des larmes » déclare Winston Churchill le 13 mai 1940 devant la Chambre des communes lors de son discours d’investiture au poste de premier ministre. 

Depuis plus de trente ans, cet aristocrate bouillonnant, excessif et sans concession, hante la politique anglaise sans jamais parvenir à son sommet. Incarnation des idéaux de l’ère victorienne, attaché à l’Empire colonial, soldat, journaliste, député, il cumule les coups d’éclats et les revers. Pourtant, lorsque la guerre éclate et que la France est en difficulté, il apparaît naturellement comme l’homme de la situation. A l’image de De Gaulle en France, il confond son destin avec celui de la nation et endosse le rôle du personnage qui fait l’Histoire à l’heure où celle-ci vit ses heures les plus sombres.

L’héritier d’une grande famille


Winston Churchill naît le 30 novembre 1874 à Woodstock dans l’une des propriétés de campagne les plus luxueuses de l’Angleterre : Blenheim Palace. Son père, lord Randolph, est le deuxième fils du septième duc de Marlborough. Au sein de ce milieu très privilégié, le jeune Winston ne se distingue pas véritablement lors de ses premières années : élève médiocre à la santé fragile, il échoue une première fois devant la porte de l’école militaire de Sandhurst avant d’être admis au concours en 1893.

Au sortir de l’école, il est envoyé en Inde où il agit en tant que correspondant de guerre. Mais Churchill, avide d’action, ne se contente pas d’observer, si bien qu’il est nommé officier de cavalerie. Il se consacre parallèlement à l’écriture où son absence de concession lui vaut parfois des critiques de ses supérieurs. En 1898, il s’engage avec Kitchener au Soudan et se permet de lancer une charge de cavalerie. Fougueux, désireux d’aventure, ayant un sens inné du coup d’éclat et du verbe, il entre en politique dès 1899 à Oldham : il se présente comme candidat aux législatives et il n’échoue que de peu. Il part alors couvrir la guerre des Boers pour le Morning Post. Rapidement fait prisonnier lorsque son train déraille, il s’évade après un mois de détention et fuit se réfugier au Mozambique. Cet épisode rocambolesque est salué par la presse nationale et internationale. De retour au pays, il se présente à nouveau aux élections à Oldham. A 26 ans, il est élu député et a déjà derrière lui plusieurs faits d’armes et plusieurs écrits honorables, comme Savrola.

Une carrière politique en dents de scie


Dès ses premières années de politique, Winston Churchill se fait remarquer grâce à des discours incisifs et ses appels à la réforme. Déçu par le Parti conservateur, il rejoint les libéraux en 1904. Après un passage comme sous-secrétaire d’Etat aux colonies, il devient ministre du commerce en 1908 sous le gouvernement Asquith. Cette même année, il rencontre et épouse Clementine Hozier avec laquelle il aura cinq enfants.

S’il se fait remarquer lors des débats sur le People’s Budget ou le irlandais, deux lois auxquelles il est favorables, c’est à la veille de la Première Guerre mondiale qu’il se distingue. Il délaisse la position pacifiste pour se prononcer en faveur d’un rapprochement avec la France. Nommé premier lord de l’Amirauté en 1911, il travaille à la modernisation de la Royal Navy en vue de la préparer à la guerre. Cette préparation permet au Royaume-Uni d’être prêt lorsque la guerre éclate. Cependant, ses actes sont plus malheureux lorsqu’il planifie l’expédition des Dardanelles. Le débarquement de Gallipoli au printemps 1915 est un véritable désastre qui lui vaut sa place et manque de briser définitivement sa carrière.

Toutefois, Churchill revient aux avant-postes dès 1917 dans le gouvernement de coalition de Lloyd George, cette fois en tant que conservateur. Ministre de l’armement, il perçoit avec pertinence et contre l’avis général l’importance des blindés. Mais, la fin de la guerre arrivée, Churchill ne croit pas en la pérennité de la paix. De surcroît, il est un adversaire fervent du bolchevisme qu’il veut combattre. Après trois ans d’inactivité de 1921 à 1924, il est chancelier de l’échiquier sous le gouvernement Baldwin. Le rattachement de la livre sterling à l’étalon-or qu’il décide en 1925 est un véritable échec, prédit par l’économiste Keynes, et qui provoque une importante crise sociale. En 1929, après l’échec des conservateurs aux législatives, il quitte le gouvernement.

A 55 ans, Churchill s’éloigne du pouvoir pour longtemps, mais pas de la politique. Il poursuit la rédaction d’œuvres historiques et littéraires parmi lesquelles une biographie de son ancêtre le duc de Marlborough. Churchill n’en demeure pas moins actif au sein de l’opposition. Son aversion pour le communisme l’amène à manifester de la sympathie pour Mussolini. Cependant, il exprime sa méfiance pour Hitler dès que ce dernier accède au pouvoir. En quelques mois, il devient son plus farouche contempteur. Ainsi, au fur et à mesure qu’Hitler multiplie les provocations et les agressions, Churchill endosse le rôle de Cassandre, prévenant du risque hitlérien et de son imminence. Il s’emporte et lui dit « Vous aviez à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre ». S’il se heurte à l’incompréhension de ses compatriotes, les événements lui donneront bientôt raison.

Le symbole de la résistance anglaise


Le 3 septembre 1939, trois jours après l’invasion de la Pologne, le Royaume-Uni et la France déclarent la guerre à l’Allemagne. Les prédictions de Churchill prennent forme. Chamberlain le nomme alors nomme premier lord de l’Amirauté dès le 5 septembre. Dans les mois qui suivent, il met sur pied un plan d’attaque en Norvège en coopération avec la France. Lancé début avril 1940, le débarquement est un désastre, notamment la bataille de Narvik.

L’événement rappelle cruellement la bataille des Dardanelles. Cependant, incarnant de plus en plus la lutte contre le nazisme, Churchill ne perd pas sa popularité. Au contraire, Chamberlain endosse la responsabilité de l’échec et lui laisse sa place le 10 mai 1940. A 66 ans, Churchill parvient pour la première fois au sommet du pouvoir, et il y demeurera jusqu’à la fin du conflit. Son intransigeance, ses discours incisifs contre l’ennemi galvanisent toute une nation et font de lui le symbole de la résistance anglaise au nazisme. Considérant son pays comme le dernier rempart à la barbarie, il motive ses troupes pour la bataille d’Angleterre et fait de la victoire une nécessité non négociable : « Il vaut mieux que le dernier Anglais périsse les armes à la main et que le mot "fin" soit écrit au bas du dernier chapitre de notre histoire plutôt que de continuer à végéter comme des vassaux ou des esclaves » lance-t-il à Paul Reynaud et au maréchal Pétain qui s’apprêtent à capituler. Adepte depuis toujours d’une coopération avec la France, il n’hésite cependant pas à faire couler la flotte de cette dernière à Mers-el-Kébir pour éviter qu’elle ne tombe aux mains de l’Axe. De même, fervent anti-communiste, il n’hésite pas à tendre la main à Staline lorsque l’URSS est attaquée par l’Allemagne le 22 juin 1941.

Toute sa politique n’est orientée que vers un seul objectif : résister au nazisme et battre Hitler. Depuis Guillaume le Conquérant, aucune armée n’est parvenue à poser un pied sur l’île, pas même celle de Napoléon. Alors Churchill lance : "Nous attendons l’invasion promise de longue date. Les poissons aussi." Il fait de l’Angleterre le lieu et le symbole de la lutte contre le nazisme, accueillant les résistants des pays occupés, dont de Gaulle. Enfin, c’est bien de l’Angleterre que sera lancée l'opération Overlord.

Travaillant avec Roosevelt et Staline, accusé même plus tard d’avoir entériner le partage de l’Europe avec ce dernier, Churchill souhaite que son pays reste puissant. Il travaille aussi à la reconnaissance de la France Libre, bien que ses relations avec de Gaulle soient particulièrement agitées.

Winston Churchill fut l’homme de la guerre, à peine cette dernière est-elle terminée que ses concitoyens l’écartent du pouvoir. Il cède le pouvoir au travailliste Attlee lors de la conférence de Postdam. Dans l’opposition pendant cinq ans, il s’insurge contre l’indépendance accordée à l’Inde en 1947 qui va à l’encontre de son attachement à l’Empire et à l’Angleterre victorienne. A nouveau Premier ministre de 1951 à 1955, il gouverne le pays sans heurts ni éclats. Il prend sa retraite en avril 1955, poursuivant la rédaction d’ouvrages historiques qui lui ont valu en 1953 le prix Nobel de Littérature. Il se consacre également à la peinture. Il s’éteint le 24 janvier 1965 à Londres, à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Ni le cigare qu’il arborait constamment, ni l’alcool qu’il consommait régulièrement n’auront eu raison de lui.

 

 

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